mardi 6 décembre 2016

Est-ce que l’on sait où l’on va ?


« Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? Que disaient-ils ? »
Denis Diderot (Jacques le fataliste et son maître)



Ils se sont retrouvés là il y a trente ans, lors d’une fête au village. Ils étaient revenus au pays chercher un endroit où se re-poser au plus près de leurs racines. Ces deux-là s’étaient rencontrés à l’école maternelle ; cela n’avait peut-être pas été le premier amour mais ils s’étaient aimés à l’âge du lycée, à cette époque où les voies paraissaient toute tracées. Le temps a passé, les adolescents ont pris de l’âge. Une longue parenthèse pendant laquelle chacun a mis ses rêves à l’épreuve, parfois rude l’épreuve.

Ça n’a plus d’importance, il n’est plus question de savoir ce que la vie aurait pu être si elle avait été différente, juste de construire les années à venir. Comme une révélation, ils prennent tous deux conscience qu’ils sont de retour au bon endroit. Ils s’engagent, cœurs et âmes à l’unisson, à faire en commun le chemin qui leur reste sur cette terre à laquelle ils appartiennent depuis des générations. En ce temps-là, leurs retrouvailles et leur collocation, pratique devenue monnaie courante aujourd’hui, intriguent les villageois mais ils continueront la vie l’un près de l’autre, amis.


Ce dernier jour d’automne, ils se préparent à tenir la promesse faite trente ans auparavant, lors de la traditionnelle pendaison de crémaillère, après que les invités soient partis. Entre deux averses, ils apportent des chaises dans le verger, derrière la maison. Le chemin parcouru dans l’année a été semé d’épreuves. Du chemin, ils en voient le bout. Cet après-midi, l’arc-en-ciel vient parfaire l’alliance du ciel et de la terre, du passé et du présent. Plutôt que d’être à nouveau séparés, ils ont décidé d’en finir ensemble. Le vent tombe, la lumière s'éteint. Jusqu'à demain, ils sont tous les deux, une dernière fois, pour toujours.


Photographie : Hélène Verdier
Texte : Marie-Noëlle Bertrand


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Ce texte a été publié pour la première fois sur « Simultanées », le blog d’Hélène Verdier, dans le cadre des Vases Communicants de novembre 2016.




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